La Chasse aux ombres
Les ombres sous la surface
Il était une fois une île lointaine où les habitants vivaient plutôt harmonieusement avec la nature et l’océan. De temps en temps, des ombres passaient sous la surface de l’eau. Les anciens racontaient des histoires terrifiantes, mais ils avaient appris à vivre avec ces ombres et savaient les éviter. L’île était belle et la population augmenta. On oublia la sagesse des anciens… Un jour, un intrigant prétentieux trouva une opportunité. Il promit, à grands renforts de discours populistes, de protéger la population de ces ombres. Avec des complices, il mit en place la chasse aux ombres. L’idée fut présentée de telle manière que la population l’accueillit avec soulagement. Bientôt, on installa des filets sous-marins près des plages pour attraper les ombres. On nomma cinq pêcheurs de ses amis, que l’on rémunéra largement – avec l’argent public – pour pêcher toute l’année. Et une fortune fut engloutie pour tuer ces créatures marines supposées menaçantes. Mais personne ne prit le temps de se demander : à qui profitait réellement cette chasse aux ombres ?
Une île née des profondeurs
Cette île était née du feu et de la roche, surgissant des profondeurs pour percer la surface de l’océan. Mais ce que l’on voyait d’elle n’était qu’un fragment, les sommets d’un massif bien plus vaste enfoui sous les eaux. Comme dans bien des histoires, on se contentait d’observer la partie émergée sans s’interroger sur l’immensité cachée en dessous. L’île elle-même était une métaphore : ce que l’on en percevait n’était qu’une illusion tronquée de sa véritable nature, tout comme l’affaire des ombres chassées à grand renfort d’or venu d’ailleurs.
Une machinerie bien huilée
Car sous la surface, bien plus profond que ces ombres inquiétantes, se trouvait une machinerie bien huilée. Les sacs d’or affluaient, non pas pour sauver les baigneurs, mais pour nourrir une industrie qui avait compris comment détourner l’attention. En surface, on abattait des créatures symboles du danger à coups de millions. En profondeur, on remplissait des cales de poissons venus d’autres mers, mais estampillés comme fruits d’une pêche locale à coup de sacs d’or. Pourquoi ? L’idée de l’équipe des manipulateurs était de maintenir à tout prix le niveau des subventions pour la pêche locale afin d’en prélever leur « dîme » en toute discrétion. Tant pis s’il n’y avait plus assez de poissons dans les eaux territoriales ! On les ferait discrètement venir d’ailleurs et les quotas seraient respectés sur le papier, permettant ainsi de maintenir subventions venues de loin et profit personnel. Et ceux qui avaient bâti ce système veillaient à ce qu’aucune question gênante ne remonte à la surface. Quoi de mieux pour détourner l’attention que de parler de danger ? En fait, cette chasse aux ombres n’était qu’un spectacle. C’était un leurre destiné à maintenir un flot continu de subventions, dont seule une équipe sur l’île savait profiter à titre personnel.
L’illusion persistante
Ainsi, les habitants, rassurés, continuaient de croire à la nécessité de cette pêche et de l’argent investi, tandis que l’écosystème s’effondrait lentement sous le poids de cette supercherie bien orchestrée. Les requins disparaissaient, les fonds marins s’appauvrissaient, mais l’illusion persistait. Et au large, bien loin des côtes, là où personne ne regardait, des cargaisons entières de poissons étaient pêchées. Elles arrivaient discrètement vers l’île pour maintenir l’illusion d’une capacité de pêche nationale, et les subventions qui allaient avec. Cela continuait d’enrichir ceux qui savaient que, dans l’océan comme ailleurs, ce n’est pas la peur du monstre qui gouverne, mais bien l’or qui coule sous les vagues.
La morale
La morale de cette histoire pourrait être que « ceux qui agitent le spectre du danger et la peur en étendard ont souvent déjà compté leurs bénéfices sonnants et trébuchants ».
Et la morale de cette morale : « les ombres ne sont pas celles que l’on croit et le danger n’est pas là où on l’attend ».