« Sous la Seine »: un film qui dessert la cause des requins

Le film « Sous la Seine » est sorti sur Netflix à la veille des JO de Paris, alors que des épreuves olympiques étaient prévues dans la Seine un mois plus tard. Profitant de l’actualité internationale, le film a voulu surfer sur la peur qu’inspirent les requins. Il est donc plutôt difficile de croire l’affirmation du réalisateur quand il dit vouloir défendre la biodiversité. De fait, c’est encore un film qui dessert la cause des requins. Il véhicule des idées fausses et farfelues, témoignant seulement d’une parfaite méconnaissance du sujet. Et probablement d’un désir de faire le buzz et de l’argent, en activant la peur viscérale des squales ressentie par une grande partie du public.

1975 : « Les dents de la mer »

Le film « Sous la Seine » ne laissait que peu d’espoir d’être un film bien documenté sur les requins. De là à accumuler autant d’idées fausses et de plans « gore »… On avait déjà « Les dents de la mer » du réalisateur Steven Spielberg en 1975. Après avoir terrorisé des générations de baigneurs et usagers des océans, le réalisateur américain a reconnu sur la BBC le 18/12/2022 : « Je regrette vraiment que la population de requins ait été décimée à cause du livre et du film. Je le regrette vraiment, vraiment ». À l’époque, les effets spéciaux n’étaient pas satisfaisants. Spielberg a alors préféré suggérer la présence du requin avec un thème musical inquiétant qui est resté dans les mémoires. Ce fut un gros succès commercial international, en plusieurs épisodes. L’ambition du réalisateur français de « Sous la Seine » est peut-être d’égaler les records de cette malheureuse saga…

2024, un plouf cinématographique …

Près de 50 ans après, « Sous la Seine » cherche à faire très peur… Le réalisateur expliquait à un magazine en juin 2024 :  »Je me suis vraiment inspiré de ce qu’il s’est passé il y a deux ans avec l’orque et le béluga coincés dans la Seine. » Il précisait s’être également « inspiré de nombreux films et documentaires mettant des requins à l’affiche ». Humm, un argumentaire plutôt faible et on a du mal à y croire…

Rien de bien précis donc, ni de très sérieux. Ce film est plutôt un plouf quand on connaît un tant soit peu les requins. Pourtant, le réalisateur rêve d’une suite à son film. Que dire ? On espère qu’il se renseignera un peu plus pour le second opus – ou mieux, qu’il n’y en est pas ! Il y a d’autres façons d’utiliser un budget de 20 millions d’euros. Que dire du scénario ? Dans ce premier film, l’armée est mobilisée pour traquer les requins qui se multiplient sans considération de leur biologie, la Seine est transformée en bain de sang … Certes, ce film doit être pris pour ce qu’il est : une fiction de qualité très relative. Car finalement, jouer sur la peur des requins est facile et génère de l’argent. Parler avec intelligence des requins, moins.

Des prédateurs super-prédatés

Dans la réalité, les requins sont bien plus en danger qu’ils ne nous menacent. Selon la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), quelque 17 espèces de requins et de raies sur les 58 évaluées risquent l’extinction. Onze espèces sont soit « vulnérables », soit « en danger ». Six sont classées en « danger critique ».

Certes, il existe bien un requin capable de passer d’un milieu marin à celui d’eau douce : le requin bouledogue ou requin du Zambèze (Carcharhinus leucas). Mais ce n’est pas le requin mako. D’ailleurs, cette dénomination regroupe deux espèces : le requin taupe-bleu (Isurus oxyrinchus) et le petit requin taupe (Isurus paucus), considéré comme le requin le plus rapide au monde. Chassé pour sa chair et ses ailerons, il est victime de la surpêche car il est ciblé par de puissantes flottes de pêche. En 70 ans, sa population dans l’Atlantique a décliné de 60 %. Quant à sa gestation, elle est estimée entre 15 et 18 mois et la femelle doit atteindre 18 ans pour sa maturité sexuelle. Enfin, le requin mako n’est pas considéré comme dangereux pour l’homme. Encore un film qui dessert la cause des requins.