Panama : quotas d’exportation zéro pour les requins et les raies
En novembre 2022, une proposition d’inscription à l’Annexe II de la CITES de 54 espèces de requins et de 37 espèces de raies a été soumise à la 19e Conférence des Parties (COP19). Après l’adoption des amendements suite à ces propositions, il fallait prendre en compte un délai de 12 à 18 mois pour leur application par les pays. Ainsi, le 25 juin 2024, la CITES a notifié les parties (183 pays-membres) de la demande n°2024/073 du Panama concernant les quotas d’exportation zéro pour toutes les espèces de requins et de raies inscrites aux Annexes (Elasmobranchii spp.), sauf pour Prionace glauca (Requin Peau Bleue).
Les quotas d’exportation
Avant qu’une Partie (pays-membre de la CITES) ne délivre un permis pour autoriser l’exportation de spécimens d’espèces inscrites à l’Annexe I ou à l’Annexe II, son autorité scientifique doit être satisfaite et déclarer que l’exportation ne nuira pas à la survie de l’espèce – c’est ce qu’on appelle un « avis d’exportation non préjudiciable » –, qui découle de l’Article III, paragraphe 2 a) et de l’Article IV, paragraphe 2 a), de la Convention. La fixation d’un quota d’exportation peut permettre aux Parties de remplir cette obligation en déterminant le maximum de spécimens pouvant être exportés une année donnée sans que cela ait des effets négatifs sur la survie de l’espèce. Ainsi, la tâche d’établir les quotas (sauf ceux fixés par la Conférence des Parties) incombe à chaque Partie.
Le Panama a choisi le quota zéro exportation
Dans le cas du Panama, c’est le quota zéro qui est désormais en vigueur jusqu’à ce que l’on dispose d’informations scientifiques fiables. Ces informations scientifiques seront obtenues grâce au suivi des populations de chacune des espèces de requins et de raies présentant un intérêt commercial, ainsi que grâce à d’autres outils permettant d’assurer une traçabilité adéquate et un contrôle efficace des débarquements.
Toutefois, cette mesure ne concerne pas les spécimens commercialisés à des fins scientifiques ou à des fins d’application de la loi, à des fins judiciaires ou de police scientifique, quelle que soit leur origine.
Une exception : le Requin Peau Bleue
Cela étant, et bien que le Panama ait choisi le quota zéro, une exception est annoncée pour l’espèce Prionace glauca ou Requin Peau Bleue.
En effet, le Panama semble s’être basé sur les recommandations des autorités scientifiques de l’Équateur (Marco Herrera-Cabrera et Juan Murillo-Posada). Cet avis a été publié en janvier 2024 et concernait la couverture géographique de l’Amérique latine et des Caraïbes. C’est un Avis d’extraction non préjudiciable pour Prionace glauca, établi après analyse des informations biologiques et halieutiques provenant de deux sources. La première est celle du Sous-secrétariat aux ressources halieutiques par rapport aux débarquements et d’échantillonnage biologique. La seconde est celle de l’IPIAP (Instituto Público de Investigación de Acuicultura y Pesca) en matière de morphométrie, entre autres. Il s’agit donc d’informations provenant des pêcheries.
Le requin le plus pêché au monde
Et en effet, selon les informations disponibles, c’est le requin le plus pêché dans le monde. De fait, la production en 2019 a atteint 110 000 tonnes, dont 47 000 tonnes pêchées par l’Espagne.* Comme l’espèce habite tous les océans et mers du monde dans des latitudes comprises entre 66° Nord à 55° Sud, elle est pêchée partout et revêt un caractère commercial au niveau international. Pas question donc de priver l’industrie de la pêche mondiale d’un de ses « fonds de commerce » …
Car tout est bon dans le requin bleu. Sa chair est consommée fraîche, séchée, fumée et salée. À noter tout de même que sa chair connaît une forte concentration de métaux lourds (mercure et plomb)… On l’utilise aussi pour la farine de poisson. Sa peau sert de cuir, ses nageoires pour la soupe aux ailerons de requin et son foie pour l’huile. Ils sont parfois recherchés comme poissons de chasse pour leur beauté et leur vitesse. Et ils ne présentent pas une menace pour l’humain.
Le commerce gagnera-t-il toujours ?
Finalement, on peut se réjouir de cette annonce du Panama, tout en regrettant que le Requin Peau Bleue n’ait pas la chance de ses congénères. Et c’est bien toute la problématique des océans. On a enfin compris que les ressources étaient limitées. Néanmoins, les sources d’informations disponibles pour connaître l’état d’une population marine – qu’on appelle aussi « stock » … – sont liées à la pêche. On base donc nos connaissances sur une espèce sur les chiffres de sa destruction. Et l’argument toujours utilisé est celui de l’intérêt commercial d’une espèce. Intérêt qui prime sur tous les autres.
Pourquoi ne pas appliquer le principe de précaution ? Si sa pêche est aussi importante, on peut facilement convenir qu’il y a risque de destruction. Alors, pourquoi ne pas interdire, au moins sur une période, la pêche de ladite espèce ?
sources : https://cites.org/sites/default/files/notifications/F-Notif-2024-073.pdf
* Bernard Seret et Pascal Bach (ill. Jean-François Dejouannet), Dans les filets, IRD Éditions, 2023, 250 p. (ISBN 979-10-92305-86-9), Requin peau bleue, pages 46 et 47.