Le squalelet féroce n’a peur de rien !
Les squalelets féroces sont de petits requins pélagiques. Ils sont connus surtout pour leur comportement alimentaire, caractérisé par certains auteurs comme ectoparasite[1]. Leur mâchoire redoutable laisse une plaie parfaitement circulaire – seule trace de leur passage – sur leurs victimes. Et le squalelet féroce n’a peur de rien : il s’attaque aux thons, espadons, baleines, voire sous-marins ! Les deux espèces connues de squalelets féroces du genre Dalatiidae sont Isistius brasiliensis et Isistius plutodus. Les images de ce petit requin sont très rares, bien que ce poisson vive dans les eaux océaniques tropicales et tempérées du monde entier.
Une morsure « à l’emporte-pièce »
En effet, les squalelets féroces emportent un morceau de chair de leur proie. Comment procèdent-ils ? Ils sont parfaitement équipés ! Outre des muscles pharyngés spécialisés, leurs dents supérieures sont en forme de crochet et leurs dents inférieures sont proportionnellement plus massives. Après la morsure, ils peuvent se tordre dans un mouvement circulaire pour retirer un bouchon de chair. Enfin, leurs lèvres charnues leur permettent de sucer leur proie… D’ailleurs et de façon très appropriée, le nom anglais de ce requin est : « requin emporte-pièce » (i.e. cookiecutter shark).
Des blessures circulaires ont été observées sur le corps d’une variété de grandes espèces pélagiques : cétacés, pinnipèdes, poissons scombridés (thons, maquereaux serpents, marlins), élasmobranches (requins, raies), et tortues de mer. Bref, ces petits requins n’ont peur de rien, semble-t-il, et surtout pas de la taille de leurs proies !
Interaction avec les humains : unique accident recensé sur un nageur
Les rapports d’interactions de ces requins avec des humains sont des incidents documentés où l’on a observé des morsures sur des humains décédés. L’article scientifique « First Documented Attack on a Live Human by a Cookiecutter Shark (Squaliformes, Dalatiidae: Isistius sp.) » nous fournit la première documentation d’une attaque par squalelet féroce sur un humain vivant dans les eaux d’Hawaï en 2009.
L’accident non létal avec un nageur de 2009
Un nageur accompli réalisait la traversée du canal ‘Alenuihähä entre les îles hawaïennes d’Hawaï et de Maui. Cette traversée représente 47,5 km pour un temps estimé entre 16 h et 20 h. À l’endroit de l’incident, la profondeur est de 359 m. L’homme de 61 ans a été mordu à deux reprises par un squalelet féroce. L’une des morsures se présentait sous la forme d’une plaie ouverte, ronde et concave, similaire à celle observée sur de grands animaux marins (environ 10 cm de diamètre). Dans ce cas précis, la plaie ouverte a nécessité une greffe de peau prélevée sur la cuisse gauche. La récupération postopératoire a connue des complications liées au greffon. Finalement, la plaie a guéri au bout de neuf mois.
Vie privée du squalelet féroce
On sait finalement peu de choses sur ces petits requins. Toutefois, on peut affirmer que l‘Isistius brasiliensis migre vers les eaux de surface, notamment la nuit, depuis des profondeurs allant jusqu’à plus de 3 000 mètres ! Mais c’est surtout son comportement alimentaire qui est unique : ce requin de 30 cm fait littéralement « une razzia », emportant avec violence et rapidité un morceau de chair de sa victimes Cette dernière n’en meure pas en général, vu sa taille, mais cela la laisse probablement vulnérable. Opportuniste, il consomme également des proies libres comme des calamars. La nuit, l’éclairage de l’eau – clair de lune ou sources lumineuses artificielles – génère des possibilités d’alimentation. Cet éclairage attirent les poissons-lanternes (myctophides) et d’autres organismes bioluminescents. Des bancs de petits calamars (Sthenoteuthis oualaniensis) sont souvent observés autour des principales îles d’Hawaï près des bateaux où l’on éclaire l’eau afin de les capturer.
Pourquoi une attaque sur un humain ?
Dans le cas de ce nageur, l’illumination des eaux de surface par le bateau d’escorte, ainsi que par le kayak, a probablement favorisé l’activité d’alimentation des calamars. Cela a offert une occasion d’alimentation à Isistius. Les calamars étaient si proches de la victime qu’il est entré en contact avec eux à plusieurs reprises en nageant. La présence d’un nageur dans cet environnement a ajouté un nouvel objet de proie potentielle pour l’opportuniste Isistius.
Le risque au crépuscule
Il est donc important de comprendre le risque que représente le fait de pénétrer dans les eaux pélagiques au crépuscule et la nuit dans les zones d’occurrence d’Isistius sp.. Car, opportunistes, les squalelets féroces peuvent considérer un humain comme une proie éventuelle. Cela constitue donc un danger potentiel, en particulier pendant les périodes de grand clair de lune, dans les zones d’éclairage artificiel ou en présence d’organismes bioluminescents.
Les humains qui pénètrent dans les eaux pélagiques au crépuscule et la nuit dans les zones de l’aire de répartition d’Isistius sp. doivent le faire en connaissant le risque de blessure qu’ils encourent. Car le squalelet féroce n’a peur de rien !
Sources : First Documented Attack on a Live Human by a Cookiecutter Shark (Squaliformes, Dalatiidae: Isistius sp.) de Randy Honebrink, Robert Buch, Peter Galpin and George H. Burgess
[1] Qui s’alimente à partir de la surface du corps de son hôte, sans s’y introduire et sans le tuer