L’intelligence des requins – The intelligence of sharks
Bernard Séret est le spécialiste français des requins, des raies et des chimères. Ischtyologue spécialiste des poissons cartilagineux, plongeur émérite par passion, Bernard a passé une quarantaine d’années dans la recherche scientifique publique. Désormais à la retraite, il est consultant auprès d’organismes publics et privés sur les questions liées aux poissons, à la pêche et, de façon plus générale, à la biodiversité marine. Vous trouverez ici le lien vers la conférence qu’il a donnée sur le thème « les requins sont-ils intelligents? » en 2018 auprès de l’organisation « l’animal et l’homme ». Comme le précise Bernard : comment imaginer qu’un animal qui vit depuis 450 millions d’années en ayant traversé cinq extinctions, soit idiot ?
Bernard Séret is the French specialist in sharks, rays and chimeras. An ischtyologist specializing in cartilaginous fish and a passionate diver, Bernard has spent some 40 years in public scientific research. Now retired, he is consulting with public and private organizations on fish, fisheries and, more generally, marine biodiversity issues. Here you will find the link to the conference he gave on « Are sharks smart? » in 2018 with the organisation « Animal and Man ». As Bernard points out: how can we imagine that an animal that has been living for 450 million years through five extinctions, is an idiot?
Une diversité extraordinaire / an amazing diversity
Les requins sont des exemples en matière d’adaptation à leur environnement. On dénombre actuellement 1258 espèces de poissons cartilagineux, soit 546 espèces de requins décrites, 660 espèces de raies et 52 espèces de chimères. Il y a 20 ans, 16% des espèces étaient encore inconnues. Ce qui pourrait laisser penser que d’autres sont encore à découvrir si nos activités ne les exterminent pas avant … Encore quelques chiffres pour rassurer ceux qui ont peur : 80% des espèces font moins de 2 mètres de long, et parmi celles-ci, 50% font moins d’un mètre et appartiennent aux fameuses roussettes … que l’on retrouve régulièrement dans nos assiettes. Il y en a des très grands de plusieurs mètres comme le requin grande gueule (Megachasma pelagios) et le requin-baleine (Rhincodon typus) qui se nourrissent de plancton, puis des « juste grands », des moyens et les plus petits qui ne dépassent pas 15-20 cm.
Sharks are examples of adaptation to their environment. There are currently 1,258 species of cartilaginous fish, including 546 described shark species, 660 ray species and 52 chimera species. Twenty years ago, 16% of the species were still unknown. This might suggest that others are still to be discovered if our activities do not exterminate them before … A few more figures to reassure those who are scande of sharks : 80% of the species are less than 2 meters long, and of these, 50% are less than 1 meter and belong to the famous Catsharks … that we regularly find as a meal. There are very large ones – few meters long, as the Big mouth (Megachasma pelagios) and the whale shark (Rhincodon typus), that feed on plankton, then just « big ones », medium ones and finally the smaller ones that do not exceed 15-20 cm.
L’intelligence : une faculté d’adaptation hors pair /Intelligence: an outstanding adaptability
Les requins habitent toute la planète, constituée, faut-il le rappeler, de 70% de mers et d’océans. Au large, ce sont les requins pélagiques ; à la côte, les requins côtiers (!). Puis viennent les requins benthiques qui privilégient les fonds de baies. Quant aux pélagiques côtiers, ils vont et viennent du large vers la côte et inversement. Les requins de profondeur préfèrent les habitats à plus de 200 m de fond. Il existe aussi de rares espèces qui ont su s’adapter à l’eau saumâtre, voire l’eau douce, comme le requin bouledogue ou le requin du Gange que l’on n’a pas revu depuis 30 ans. Le seul endroit de la planète où l’on n’a pas encore observé de requin : le voisinage immédiat du continent antarctique, bien que, là-bas, on y voit des raies.
Sharks inhabit the whole planet, made up, it should be recalled, of 70% of seas and oceans. Offshore, they are the pelagic sharks; at the coast, the coastal sharks (!). Then come the benthic sharks that prefer the bottom of the bays. As for the coastal pelagics, they come and go from the offshore to the coast and vice versa.Deep sharks prefer habitats over 200 m deep. There are also rare species that have adapted to brackish water, or even fresh water, such as bulldog shark or Ganges shark that has not been seen for 30 years.The only place on the planet where no sharks have yet been observed: the immediate vicinity of the Antarctic continent, although there are rays.
Une biologie remarquable /A remarkable biology
La mécanique biologique des requins est remarquable. Leur foie, qui peut représenter jusqu’à 25% de leur poids selon l’espèce, est riche en huile, plus légère que l’eau, ce qui leur assure leur flottabilité. Rudement pratique pour des prédateurs en chasse : pas de risque d’accident de décompression! Le cortex des requins est plutôt développé : c’est le siège des centres sensoriels dont le centre olfactif qui peut occuper 1/3 du cerveau chez certaines espèces.
The biological mechanics of sharks are remarkable. Their liver, which can account for up to 25% of their weight depending on the species, is rich in oil, lighter than water, which ensures their buoyancy. So efficient for predators on the hunt: no risk of decompression accident! Moreover, the cortex of sharks is rather developed: it is the seat of the sensory centers whose olfactory center can occupy 1/3 of the brain in some species.
Parmi les autres sens développés des requins, ils disposent de leurs ampoules de Lorenzini pour la détection du champs magnétique et la détection des proies. On citera leur capacité d’orientation, la valvule spirale qui remplace des mètres d’intestins, la faculté de capter leur environnement en 3D, la bioluminescence des requins lanternes…. Pour en savoir un peu plus : https://tendua.org/les-requins-mal-aimes-car-mal-connus,061?artpage=2-5
Among the other developed senses of sharks, they have their Lorenzini bulbs for magnetic field detection and prey detection. We know about their orientation capacity, their spiral valve that replaces meters of intestines, their ability to capture the environment in 3D, the bioluminescence of lantern sharks…. For more information: https://tendua.org/sharks-badly-loved-because-they-are-badly-known,062https://tendua.org/sharks-badly-loved-because-they-are-badly-known,062
Des comportements sociaux encore mal connus mais à l’étude / Social behaviours still unknown but under study
De plus en plus d’études s’intéressent aux comportements des requins. En 2012, en Polynésie, une étude a porté sur les requins pointes noires (Carcharhinus melanopterus), des requins de récif d’environ 1,20 m. Les individus ont été photographiés afin de les identifier dans une base de données. On a alors compris que les mouvements de ces requins n’étaient pas du tout aléatoires, mais organisés en fonction des « tribus » – des « communautés » – auxquelles ils appartenaient.
More and more studies are focusing on shark behaviour. In 2012, in Polynesia, a study focused on black tip sharks (Carcharhinus melanopterus), reef sharks of about 1.20 m. Individuals were photographed to identify them in a database. It was then understood that the movements of these sharks were not at all random, but organized according to the « tribes » or « communities » – to which they belonged.
On a également observé chez les requins plat-nez (Notorynchus cepedianus) qu’ils s’associaient en meute pour chasser : un d’eux occupe la proie pendant que les autres l’attaquent. Autre exemple, le requin marteau halicorne (Sphyrna lewini) est connu pour former des bancs de plusieurs centaines d’individus. C’est la hiérarchie par la taille qui domine : les femelles étant plus grosses, elles sont dominantes et restent au-dessus des mâles.
It has also been observed in flat-nose sharks (Notorynchus cepedianus) that they join forces to hunt: one of them occupies the prey while the others attack it. Another example, the scalloped hammerhead shark (Sphyrna lewini) is known to form schools of several hundred individuals. It is the hierarchy by size that dominates: the females being larger, they are dominant and remain above the males.
Capacités d’apprendre et d’anticiper, « personnalités » / Ability to learn and anticipate, « personalities »
Dans la Baie de Tampa en Floride, des scientifiques ont installé des balises acoustiques, après avoir mis des balises sur des requins résidents. L’étude a mis en évidence que ces requins étaient capables de prévoir les cyclones annoncés plusieurs heures avant leur arrivée car ils quittaient la baie pour éviter le cyclone. Une explication : leur capacité à détecter la pression barométrique (trop fort!).
In Tampa Bay, Florida, scientists installed acoustic beacons after placing beacons on resident sharks. The study found that these sharks were able to predict cyclones several hours before their arrival because they were leaving the bay to avoid the cyclone. An explanation: their ability to detect barometric pressure (too smart !).
On sait que le grand requin blanc (Carcharodon carcharias) est capable de changer de régime alimentaire en fonction de son âge et de son poids, et d’apprendre de ses erreurs. Il sait aussi s’associer sur de grosses proies comme des carcasses de baleine. Quant au requin tigre (Galeocerdo cuvier), il sait intégrer dans sa routine la visite de sites de nourriture et notamment les fermes aquacoles.
It is known that the great white shark (Carcharodon carcharias) is able to change its diet according to its age and weight, and learn from its mistakes. He also knows how to team up on big prey like whale carcasses. As for the tiger shark (Galeocerdo cuvier), he knows how to integrate in his routine the visit of food sites and especially the fish farms.
En aquariums, on a pu observer des comportements individuels. Ainsi, certains requins ont été qualifiés de curieux, ou de timides.
In aquariums, one could observe individual behaviors. Thus, some sharks were qualified as curious, or shy.
Conclusion : plus intelligents qu’on ne le pense / In conclusion: smarter than we think
Avec leur biologie super-adaptée à leurs milieux, leurs capacités de changements de stratégie alimentaire, leurs capacités cognitives encore mal connues mais de plus en plus étudiées, les requins sont certainement bien plus intelligents qu’on ne le pense. Encore faudrait-il qu’ils survivent à la 6ème extinction de masse dont nous sommes grandement responsables et qui met en péril ces animaux méconnus du public et mal-aimés. Il y a encore tant à apprendre de ces poissons mystérieux et extraordinaires.
With their super-adapted to their environment biology, their abilities to change food strategies, their cognitive abilities still poorly known but increasingly studied, Sharks are certainly much smarter than we think. But they would have to survive the 6th mass extinction of which we are largely responsible and which endangers these unknown to the public and disliked animals. There is still so much to learn from these mysterious and extraordinary fish.
Publications de Bernard Séret
- Bernard Séret (ill. Pierre Opic), Poissons de mer de l’ouest africain tropical, Orstom Editions, 1981, 450 p. (ISBN 2-7099-0600-7)
- Bernard Séret, Les Requins des côtes françaises, Ouest-France, 1999, 32 p. (ISBN 978-2737324321)
- Bernard Séret et Patrick Louisy (ill. Pascal Robin), Les Requins, Milan, 2004 (ISBN 978-2745916013)
- Bernard Séret, Guide des requins, des raies et des chimères des pêches françaises, IRD Paris, 2010
- Bernard Séret et Patrick David, Les Requins, Auzou, 2014 (ISBN 978-2733829387)
- Bernard Séret (texte) et Julien Solé (dessin), Les Requins : Les connaitre pour les comprendre, Le Lombard, coll. « Petite Bédéthèque des savoirs », 2016 (ISBN 978-2803635009)
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