La Réunion : 840 000 euros pour pêcher requins … et autres espèces marines

Vendredi 16 mars 2018, l’État, la Région, les mairies de Saint-Paul, de Trois-Bassins, de Saint-Leu, de l’Étang-Salé et de Saint-Pierre, étaient réunis afin de valider le nouveau programme de pêche aux requins déployé à partir de la fin mars jusqu’en 2021.

Le CRA, Centre de Ressources et d’Appui sur le risque requin, tout nouvel organisme néanmoins richement doté (pour mémoire, à sa création, les « anciens » du Comité des pêche avaient demandé un budget initial de fonctionnement sur 9 mois pour 5 postes de 700 000 euros), est désormais en charge du pilotage des programmes de pêches ciblées. Le CRA remplace donc dans ce rôle le Comité des pêches dont l’équipe a d’ailleurs été renouvelée suite au scandale de détournement probable des fonds alloués…dont on n’a plus du tout parlé, mais que font les journalistes ? Le CRA a donc annoncé que les premiers engins de pêche seraient déployés dès la fin mars 2018.

Le programme de prélèvement ciblé, prévu de 2018 à 2021, concerne, comme feu Cap Requins, les requins bouledogue (Carcharinus leucas) et les requins tigre (Galeocerdo cuvier). Sans compter les prises accessoires, dont il ne sera sans doute pas plus fait mention qu’avec les programmes précédents Cap Requins 1, 2 et 3.

Etat, Région, mairies de Saint-Paul, de Trois-Bassins, de Saint-Leu, de l’Etang-Salé et de Saint-Pierre, partenaires financiers du CRA, se sont mis d’accord sur une enveloppe prévisionnelle de 840 000 euros pour le nouveau programme de pêche. En un mot, l’argent des contribuables. Il faut apprécier le « prévisionnel »…

Comme prévu, des appels d’offre ont été lancés, par le biais d’un marché public fin octobre 2017, pour un accord-cadre sur 6 lots : la pêche préventive rapprochée, la pêche préventive élargie, la logistique et la valorisation des prélèvements, l’observation, la fourniture de bouées GPS, et la fourniture d’appâts. Ces procédures d’appel d’offres sont, selon le CRA, en cours de finalisation. Les courriers de notification aux candidats non-retenus sont en train d’être envoyés, et les actes d’engagement avec les autres candidats signés.

Le CRA informe que deux techniques ont été retenues pour les prélèvements de requins : les mêmes que celles de Cap requins, à savoir :

  • la palangre verticale munie d’un dispositif d’alerte de capture (PAVAC), munie d’un hameçon, destinée à être posée plus près des côtes, sur des fonds de 30 mètres de profondeur maximum, dans un but de pêche préventive rapprochée. Plus près des côtes, ça va être difficile, à moins que la plage ne soit visée ??
  • la palangre horizontale de fond (PHF), équipée elle de 25 à 50 hameçons, et destinée à être posée plus au large sur des fonds jusqu’à 70 mètres de profondeur, pour une pêche préventive élargie. Sur la côte ouest, on pense tout de suite au large du Cap La Houssaye…lieu de prédilection des baleines à bosse quand elles viennent à La Réunion en hiver. Mais pas un mot sur les conséquences de ce « nouveau » programme sur la faune marine…

Ces palangres, tant la verticale que l’horizontale, seront déployées dans les zones autorisées à la pêche professionnelle (c’est-à-dire presque partout!). Et la Réserve  naturelle marine en accueillera également tout autant. Est-ce bien une réserve naturelle marine dont il s’agit ?

On tente de nous vanter les nouveautés de ce programme « rénové », mais Cap requin avait aussi des ambitions similaires … comme : 

– Encadrer les opérations de pêche par « des protocoles rigoureux » pilotés par un coordinateur scientifique du CRA (On aimerait connaître son nom et son CV ?). Ce qui permettra, théoriquement, « d’évaluer régulièrement l’efficacité du programme sur la base d’indicateurs concernant notamment la densité de population de ces requins près des côtes »,

– Améliorer le ciblage des requins, mais aussi la survie des « prises accessoires ». Comment ? Tout simplement en adaptant les sites et les horaires de déploiement des palangres, mais aussi en faisant évoluer les pratiques. D’ailleurs, les interventions pourront se faire sur site en moins de deux heures : forcément à moins de 200m de la plage, pas besoin de deux heures pour intervenir, quoique…

– Ajuster le déploiement des opérations de pêche de prévention rapprochée, qui ont lieu dans des zones à enjeux, et les opérations de pêche élargie, réalisées dans des zones de concentration. Cela passera par l’analyse des techniques mobilisées, des conditions environnementales, mais aussi des observations remontées au CROSS – des mots, des mots, des mots…

– Le CRA, mais aussi des observateurs indépendants contrôleront les prestataires du programme de pêche, et effectueront un suivi externe des opérations, à l’embarquement et au débarquement. L’effort de pêche et les prises, ainsi que leur valorisation scientifique seront surveillés, notamment grâce à la géolocalisation – qui seront ces observateurs ? On sait déjà que les ONG contre le principe de la pêche au requin comme moyen de sécurisation ne peuvent pas répondre à ce lot du programme ; il reste toutes les associations pro-pêche au requin…Quant à la valorisation scientifique, quels ont été les articles scientifiques publiés ces dernières années sur le sujet ?…alors la valorisation scientifique reste surtout un prétexte…

– Le nouveau programme de pêche intègre désormais le dispositif post-attaque –  moyen de capter de nouvelles subventions ?

– Enfin, ce programme aura aussi vocation à pêcher les requins bouledogues juvéniles, notamment aux embouchures de l’Etang de Saint-Paul et de l’Etang du Gol –  rien de nouveau : cela se pratiquait déjà, ce qui est criminel pour l’équilibre des océans.

Source : Clicanoo.re